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images qui bougent
3 avril 2008

'A zed and two noughts'

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L'histoire de deux frères jumeaux , zoologues,traumatisés par la mort de leurs épouses dans le même accident de voiture causé par un cygne blanc devant la porte du zoo, et d'une survivante, Alba Bewick, qui conduisait justement cette voiture. Et c'est bien tout ce que je peux vous en dire. Si vous ne connaissez pas le cinéma de Peter Greenaway, n'hésitez pas; pour ma part je ne remercierais jamais assez mes amis de m'avoir traîné à la cinémathèque ce jour-là. Difficile de parler de l'histoire à vrai dire, je ne m'y risquerais pas vraiment, l'ayant visionné il y a très longtemps; néanmoins ce deuxième long-métrage contient en lui-même les quelques éléments principaux qui font du cinéma de Greenaway une expérience atypique, et la référence incontournable qu'il est devenu au fil des années. Ce qui surprend tout d'abord c'est le contexte du récit, très rapidement on se retrouve hors du monde, confrontés aux personnages et à l'évolution de leurs petites manies. Très vite on se retrouve dans un univers en marge du reste du monde tout simplement parce que les personnages de Greenaway sont sujets à l'obsession, et c'est le destin de cette obsession qui finit par prendre toute la place, qui nous est racontée : Après l'accident qui aura coûté la vie de leurs épouses, les deux frères pourtant déjà scientifiques renommés finissent par s'isoler complètement du monde ,et essayent de comprendre tout ce qui à trait aux mécanismes de la vie, jusqu'à la folie ( tout comme l'artiste-peintre de 'Meurtre dans un jardin anglais' et son complexe de démiurge par rapport au monde qu'il pense soumettre grâce à son art) en s'enfermant dans une contemplation assez morbide et répétitive du spectacle de la mort,peut-être pour se débarrasser de leur souffrance, mais aussi pour peut-être saisir la seconde infinitésimale qui fait basculer les choses d'un état à un autre, utilisant pour cela dans leurs 'recherches', le procédé d'Edward Muybridge ( qui influença les peintres dans le rendu des mouvements des corps,) c-a-d un déclenchement de prises photographiques à des intervalles réguliers d'un sujet observé; ici des corps d'animaux en décomposition, ces photos assemblées bout-à-bout seraient à la fois comme la naissance du cinéma ( une découverte ) et simultanément le témoin objectif, neutre, sans affect du processus d'un phénomène, quel qu'il soit, de son début jusqu'à sa fin. Les faits, rien que les faits, et en même temps la magie, le miracle produit par le procédé. Mais une naissance qui débouche sur un vide , un constat d'impuissance

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Dans cette quête et cette recherche presque suicidaire, les jumeaux en viennent à s'isoler presque complètement du monde, refusant tous contacts, toutes nouvelles relations, il n' y a que ce qui touche au but qu'ils se sont fixés qui les interesse, qui les tiennent en vie; on se retrouve alors confrontés à une galerie de personnages tous plus marginaux les uns que les autres fonctionnant sur le même mode, tel ce photographe qui ayant eu vent de l'accident, demande à la survivante de s'amputer de sa jambe pourtant restante, car elle serait ainsi parfaite pour son oeuvre personnelle artistique, la reconstitution photographique de toiles de grands maîtres, présentement un tableau de Vermeer, 'la leçon de piano', ou pour restituer la position exacte de la pianiste face à son instrument telle qu'elle a été peinte, il faut bien au minimum avoir effectivement été amputée des deux jambes.

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Qu'il alterne avec une fiction historique (' Meurtre dans un jardin anglais' originalement 'The draughtman's contact','The baby of Macon', 'Prospero's books' ) -et Greenaway reste un des seuls à s'être imposé dans ce registre, à oser en faire un registre à part entière et non pas seulement reservé aux énièmes versions des grands classiques- ou un récit contemporain ( 'ZOO', 'Drowning by numbers','Le cuisinier,le voleur, sa femme et son amant', 'Pillow book ',' 8 femmes et demi' ), Greenaway conserve ce regard encyclopédique qui répertorie,mais sans oublier ni nier la poésie,ni la pureté, ni l'innocence, ... au contraire, IL CHERCHE à COMPRENDRE AFIN DE POUVOIR AIMER MIEUX, dans l'optique même qui fût celle de la Renaissance, ou encore du statut de l'artiste décrit par George Bataille, comme étant plus que quiconque, contraint à une 'ultra-moralité' . Les personnages qu'il décrit sont souvent des spécialistes justement limités par leurs spécialité ( 'The draughtman's contract','Le ventre de l'architecte' voire même dans 'Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant ' ou le voleur pense pouvoir tout obtenir avec l'argent ) un peu comme 'Le collectionneur' de John Fowles, qui est une manière pour eux de s'expliquer le monde mais aussi de le soumettre, d'eviter d'être confronté à quelquechose qu'ils ne maitrisent peut-être pas, à l'image de la société moderne dans son rapport avec la nature ;ici, les jumeaux de 'ZOO' ,qui, à vouloir trop comprendre les mécanismes de la vie, finissent par en négliger les aspects humains.

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On trouve déjà dans 'ZOO' des éléments constitutifs du cinéma de son auteur, la collaboration avec le compositeur Michael Nyman tout d'abord ,dont l'orchestration classique - ce qui était déjà en soi une innovation, quelque chose que l'on ne retrouvait nulle part, ou très rarement au cinéma, en tout cas pas spécialement dans des récits 'contemporains' ( eh oui, la musique classique pour les fresques historiques, alors que paradoxalement l'orchestration de Nyman est résolument moderne ) -ponctue, et souligne aussi bien le frasque comme le tragique du récit. La passion ensuite, ou disons la démarche , de l'auteur,issue de sa formation initiale de peintre, pour la série, pour l'archivation , pour la statistique , déjà entrevue dans le court-métrage 'Falls' ( une série de plans-fixes sur des intérieurs ou ont eu lieu des défenestrations ) et leitmotiv plus ou moins présents dans ses autres oeuvres , l'obsession des chiffres dans 'Drowning by numbers' après celle de l'alphabet dans 'ZOO' ( mais aussi les livres thématiques dans 'Prospero's books' ou 'The Pillow Book'), qui sont comme des génériques qui viennent ponctuer les différents tableaux de l'histoire, soulignant deux autres aspects primordiaux du cinéma de Greenaway : un regard humaniste, véritablement à l'origine de tout, génèrateur d'une démarche au sens propre du terme, et par là même d'une esthétique, le deuxième point; ce qui enterre au passage bon nombre de polémique par rapport au génie en règle général : sans enlever aux grands maîtres leurs qualités, ce qui fait qu'ils sont ce qu'ils sont réside bien dans le fait qu'ils obeissent aux règles qu'ils se sont fixés,prenons l'exemple des contraintes esthétiques du 'Dogme' de Lars Von Trier devenant des éléments narratifs constituants, ou la démarche basée sur les mécanismes oniriques de David Lynch. thefalls

Dans un registre comme dans l'autre donc , l'auteur construit son récit comme des fables, des paraboles ou selon le terme d'époque des 'moralités', ( ce qui lui valut de nombreuses accusations de pédanteries et d'élitisme, c-a-d l'inverse de sa démarche ) ce qui fait que, visuellement, l'on reste relativement dans le registre du théâtre filmé, s'autorisant très rarement des mouvements de caméra qui pourraient véhiculer une charge affective - et donc non-objective- trop importante, à part dans quelques inserts disséminés de ci de là ('The pillow-book' ou ils sont censés reproduire le tourbillon et l'émulation d'un défilé de mode, ainsi que caricaturer le langage télévisuel, évenementiel, ou encore dans 'The baby of Macon' ou le père filmé de dos comme une icône rock and roll, haranguant la foule sur les vertus de sa semence, puisque le film raconte la naissance d'un bébé à une époque méconnue de l'histoire de France, ou celle-ci était frappée par une épidémie d'impuissance ), et un soin tout particulier apporté à la scénographie ( éclairage, emploi du son ) , pour 'Le cuisinier, le voleur...' ou encore la très récente trilogie 'A life in suitcases' ouvertement  et superbement non-distribuée, ou l'on a même dit que quelqu'un avait offert un Mac Intosh à Greenaway sans lui avoir fait part de l'icône poubelle (    ); pour ne l'avoir pas vue si ce n'est sous une forme fragmentée dans le cadre d'un V-Jay dans un festival de cinema experimental à Zurich, je dirais que l'on perçoit très nettement cet aspect  scénographique plus que dans n'importe quel autre de ses travaux ( et pourtant les fictions historiques de Greenaway revendiquent leur théâtralité : 'Prospero's books' étant l'adaptation de 'La Tempête' de Shakespeare, et à vrai dire l'adaptation la plus moderne qui soit, quand à 'The baby of Macon' il s'agit ouvertement d'une représentation, on voit le public interagir, ainsi que l'action se continuer parfois en coulisses, faisant référence visuellement au travail scénographique de Thaddeus Kantor, un des piliers du théâtre moderne ), ou l'on voit qu'il est capable de refaire ce qu'il a déjà apporté en terme d'innovation en ce sens par le passé, de rattraper ensuite son époque qui elle ,a aussi intégrée ces données nouvelles, notamment dans le cadre de la publicité ( MTV en tête ) et puis dépasser à nouveau celle-ci, c-a-d montrer des possibilités nouvelles, et prouver son  ressort narratif encore sous-exploité ( à part quelques exceptions comme le 'Dogville' de Lars Von Trier ) ce dont peu de monde sur la scène contemporaine peuvent se targuer.

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Commentaires
S
j'ai assez apprécié '300' et suis assez d'accord avec ce que tu en as dit,les premières photos de 'Watchmen' si elles sont assez belles plastiquement sont un peu inquiétantes quand même, au lieu du Hibou semi-bedonnant, on a un Batman avec des abdos en allu, on ne peut que regretter que le projet n'aie pas échu à Terry Gilliam qui su certainement faire co-habiter ce second degré par rapport au genre super-héros en même temps que la trame très réaliste, Alan Moore lui a déjà cédé ses droits d'auteur à Dave Gibbons ( ), néanmoins je ne voudrais pas jeter la pierre non plus;c'est aussi ce que je souligne dans ma thématique, les fans ont peut-être attendu longtemps de voir leurs héros sur les écrans mais les boîtes pressés de répondre à la demande ne se rendent pas spécialement service; je reste optimiste dans le sens ou un ou deux premiers films c'est toujours de l'installation, de la sensibilisation ('dAREDEVIL', 'gHOST rIDER',moins connus que 'Hulk' ou 'Spiderman')et au bout du deuxième ou troisième opus on aura qqchose qui témoigne de l'esprit des comic-books dont ils sont inspirés.De même que pour 'Sin City' il s'agit de trouver la bonne distance, ce statisme dont tu parles ne me gêne pas, mais il y a d'autres façons de résoudre le fait que Miller utilise beaucoup la voix-off, soit en montrant autre chose, soit avec des plans plus naturalistes autour des personnages -je sais que le terme va en faire chier certains, c'est ce que je veux aussi, après tout tel mouvement ou tel angle est toujours significatif-, d'autres réalisateurs n'en sont pas là et on peut tomber dans une complaisance dangereuse autour de la violence que l'on reprochera plus facilement aux comic-movie qu'à...'John Rambo' -pas vu non plus, tu vois l'idée.J'attends beaucoup de cette ecole alternative dont tu parles, il y a déjà des photos sur fond vert du 'Spirit' de Miller à qui on reproche de re-faire déjà du 'Sin City', ( que ce soit en b.d ou en film, je trouve ça plutôt pertinent ) et de le juger par avance redondant ( depuis '300'), ou l'accusant d'une glorification suspecte de l'esprit guerrier, pourtant je pense que ce sont les mêmes qui applaudissent encore devant un bon vieux 'iNSPECTEUR hARRY'.Bon. <br /> Le comic-movie est néanmoins un genre qui interesse les réalisateurs plus que l'on ne croit, je pense aux allusions dans 'Constantine ' et 'King-kong'( il m'a même semblé voir un clin d'oeil aux X-Men avec une vieille affiche dans un plan :'cRY hAVOC CRY' un truc comme ça) dont je parle au début de la rubrique là -dessus je n'en demorderai pas, ce sont les remplaçants de fresques comme 'Dune ' ou 'Le seigneur des Anneaux', les conte de fées modernes.
P
Pour ce qui est de "Sin City", conformément à ce que j'ai pu exprimer à son propos sur mon blog, le film de Rodriguez est extrêmement attachant en ce qu'il offre une adaptation on ne peut plus fidèle de l'oeuvre de Miller, ce qui est une première dans l'histoire du comics-movie. Le côté intransigeant de l'affaire, qui fait à la fois la force et la faiblesse du film, a au moins le mérite de révéler ce qu'il ne faut pas faire dans ce genre d'entreprise et de débroussailler le terrain. Ainsi, le statisme que l'on a beaucoup reproché à Rodriguez, et qui provient à mon sens d'une articulation défaillante entre temps BD et temps cinématographique (pas facile de remplir le blanc entre les cases: vieille dialectique continuité / contiguïté) constitue une sorte de "felix culpa". Miller a su retenir la leçon de cette courageuse expérience, et la réinvestir en compagnie de Zack Snyder avec "300", qui participe de la même démarche esthétique tout en parvenant à résoudre les contradictions formelles de "Sin City". Espérons que Rodriguez aura su faire de même, ce qui nous vaudrait un "Sin City 2" quasiment parfait, car à part ce problème formel bien compréhensible, il n'y a vraiment rien à jeter dans le film de Rodriguez. Mine de rien, une école alternative du comics-movie, centrée autour de la personnalité de Miller, est en train de prendre forme: outre "Sin City 2", on attend avec impatience le "Watchmen" de Snyder, en espérant que l'on aura affaire au fan respectueux et visionnaire de "300" et non au yes-man bourrin de "L'Armée des Morts"...
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