C'est pas les idées qui manquent

On se fait le cinéma qu'on peut. Le cinéma ET la science-fiction étaient deux thèmes chers à Boris Vian, qui était un homme de son temps, et passionné qui plus est. On trouvera dans ce très sympa petit recueil tout un tas de courts articles enflammés, ainsi que quelques propositions de scénaris de courts-métrages, dont Vian fût un auteur prolifique toute sa vie sans que cela n'aboutisse pour autant à quelque chose. On le voit s'insurger à l'encontre du film 'Le voleur de bicyclette' en disant que ça nous les brise menu (...) car il ne semblait pas vraiment apprécier la démarche; pour lui c'était quasi du temps de perdu : il valait mieux directement essayer de trouver des solutions à la pauvreté, à la guerre, à la maladie que de s'amuser à reconstituer les conditions de vie d'un ouvrier dans sa chambre miteuse. De fait le cinéma se devait d'être un espace exclusivement réservé au rêve et notre ami bison faisait plutôt l'apologie du carton-pâte, avouant que ce n'était guère dans l'animation qu'il se passait encore 'quelque chose'. Il n'est pas étonnant de le retrouver militant en faveur de la science-fiction américaine, qui connaissait à l'époque un essor fulgurant ( on doit cette reconaissance en France à l'impulsion de Raymond Queneau ) et Vian cite volontiers en référence Asimov, Heinlein, Van Vogt et surtout Ray Bradbury en qui il reconnaît un poète, saluant la passion de ces auteurs pour leur médium ( une approche totalisante dans la continuité de Tolkien ), ou l'on déduit que le registre semblait à l'époque le seul terreau nourricier estimable à satisfaire ses appétits fantaisistes débridés, et dont on ne manquera pas de percevoir l'influence sur son propre travail s'il fallait encore le dire. Au milieu de tout ces petits fragments délectables, on trouve un court article sur 'la possibilité d'un cinéma amateur', qui encourageait à laisser aux professionnels le créneau de leur métier, et à montrer par le biais de toutes autres productions ' ce qui leur manque'...En ce qui concernerait les thèmes, encore tout nimbé des éclairages somptueux de la rue des prostituées du film 'Irréversible' ( et en attendant de voir 'Querelle' de Fassbinder ) et hanté par la voix hypnotique de William Faulkner dans 'Sanctuaire' qui arrive à vous transporter dans les collisés les plus antiques à partir de la ferme de Tom Sayer je proposerais comme autre tremplin pour l'imaginaire cette très sympathique 'traduction du mythe' d'Oedipe par Didier Lamaison - publié dans la collection de la Série Noire chez Gallimard- d'après le texte de Sophocle, ou l'on trouve des portraits véritablement savoureux , très très bien sentis des personnages mythologiques de l'époque - Tirésias notamment - magnifiquement mis-en-scène dans une narration assez coup de poing . Ou encore cet autre roman de l'illustre auteur de ' Le maître et Marguerite', Mikhail Bulgakov, 'Coeur de chien' : ' Philippe Philippovitch Préobrajenski est un médecin urologue exerçant à Moscou, rue Prechistenka. Il est très célèbre non seulement en Russie, mais aussi ailleurs dans le monde. Il vit dans un énorme appartement de huit pièces, où il pratique des opérations régulièrement, avec sa cuisinière Daria Petrovna et sa bonne à tout faire Zina. Son assistant est le docteur Bormenthal. Un jour il ramasse un chien dans la rue, gelé et transi. Il décide alors de tenter une opération jamais effectuée auparavant: transplanter l'hypophyse et les testicules d'un homme dans le corps du chien. Le donneur d'organes est un alcoolique, Klime Tchougounkine, et le chien reprendra ses défauts. Le chien devient peu à peu un homme, et apprend à parler. C'est là que le contexte fait irruption : il devient Charikov (Bouboulov) et fait carrière dans la révolution, expropriant et volant à tour de bras. Plusieurs années après qu'il fut devenu un homme, Charikov veut expédier le professeur Préobrajenski au goulag et prendre son appartement. Alarmés, Préobrajenski et son assistant Bormenthal injectent un calmant à Bouboulov, le retransforment en chien qui reprend ainsi sa vie paisible de chien de riche.' ( sources: Wikipédia )