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images qui bougent
12 août 2009

Les faits rien que les faits, 'Elephant' de Gus Van Sant.

Image_1

( extrait de ' Glen or Glenda' de Ed Wood Jr, ainsi que de son générique )

Ou la reconstitution fictive d’un fait-divers sanglant ayant eu lieu il y a quelques années chez nous en Amérique.

Je suis passé complètement à côté du film à sa sortie et n’aie absolument rien lu de ce qui a été écrit sur lui et Van Sant depuis, je sais que ce film a consacré le retour du réalisateur dont je suis un fan de la première heure. Je pense que son ‘Prête à tout’ avec Nicole Kidman va se bonifier avec le temps, comme un documentaire issu d’une télévision parallèle, mais je ne pouvais que me réjouir du fait que Van Sant soit revenu au cinéma, ses ‘ Good will hunting’ et ‘ Finding Forrester’ étaient aussi de très très bonne qualité mais il semble que le réalisateur aie depuis ‘Gery’ la possibilité de faire le cinéma dont il a envie. On ne peut pas vraiment lui reprocher non plus d’emboiter le pas à Larry Clark depuis, Van Sant a été l’un des précurseurs dans cette même veine.

En tant qu’objet de cinéma, ‘Elephant’ est un véritable bonheur. Il y a ce curieux silence qui accompagne les personnages tout du long, une sorte de minimalisme à des années-lumière du documentaire comme on pourrait tout d'abord le penser, créant une sorte d'étrange distanciation, et créant des effets de déplacements entre environnements sonores et visuels des plus somptueux, mais aussi des plus déstabilisants. Je ne sais pas si Van Sant a rédigé une liste dans les travers à éviter dans ses choix de mise en scène sur un tel sujet, toujours est-il qu’il ne souscrit à aucun , en ce sens c’est une succession de paires de gifles à la profession et on ne peut pas dire que celle-ci s’en soit remise, qu’elle continue de faire comme si elle avait rien vu rien entendu : à la caméra à l’épaule utilisée n’importe comment, Van Sant préfèrera quelques plans fixes ou le protagoniste apparaît au loin, reste flou et s’approche, avec tout ce que cela implique de temps réel. Effectivement, au mouvement le réalisateur préfèrera la durée : certes on suit de prêt à la caméra les différents protagonistes dans leurs différentes occupations ce qui au premier abord nous confronte à certains moments ‘vides’. Or ce sont justement ces moments inutiles, intermédiaires car Van Sant privilégie ces moments de déplacements, de transition pour caractériser des plus efficacement ses personnages, ce même vide, ce même ‘temps mort’ ou l’on se concentre sur ce que l’on va faire, sur ce qu’on voudrait au contraire oublier, comme les réflexions de tel ou tel gentil camarade.

Il y a par l’exemple fabuleux de l’adolescente complexée ( elle va jusqu’à ne pas prendre de douche après le sport pour ne pas se montrer nue devant les autres filles ) croise deux autres personnages que l’on suit depuis le début, et Van Sant nous remontre cette rencontre entre les personnages du point de vue de cette fille là que l’on avait à peine vue dans le champ la première fois – l’un des personnages fait de la photo, elle s’était mise à longer les murs direct. Ce qui est marrant c’est qu’elle ‘fuit’ à cause de la sonnerie, mais p-ê aussi aux propos que les autres persos échangent et qui constituent certainement ce qu’elle peut limite supporter….ça c’est vraiment de la caractèrisation tout en élégance. Beaucoup de la trame de ‘Elephant’ est constituée sur ces bribes de couloirs, des fragments inachevés de conversations qui sont par la suite repris et mené jusqu’à leur terme, en fait sur le basculement entre rapport indirect / direct.

Nous sommes là spectateurs à attendre, à chercher d’ou les coups de feu vont partir, à guetter la moindre information et le réalisateur multiplie les anecdotes, qui par leur côté lacunaire restent les seuls messages dont nous disposons. Pour tel personnage, même pour beaucoup, c’est une journée comme les autres – d’ailleurs chaque personnage est occuppé, en bien ou en mal mais ils sont tous occupés, chacun avec sa croix à porter si ce n’est qu’ils n’ imaginent pas que cela puisse s’arrêter là, il n’y a que nous spectateurs qui en avont l’intuition.Il y a cette approche attendue qu’on pouvait craindre sur l’absurdité de la vie, en fait non. Pour certains c’est une journée de galère de plus, pour d’autres la goutte qui fait déborder le vase : il n’y a pas d’absurdité, juste un enchaînement de causes et de conséquences. C’est la répétition à outrance de certaines choses qui finalement va générer une situaton extrême, Van Sant utilise cette même répétition comme axe narratif afin de poser son contexte. Il y a là de l’arbitraire, tout ce qui relie les personnages c’est au final de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment, de près ou de loin. Pourtant on note qu’un temps de réflexion pris en dehors des habitudes aurait peut-être changé la donne. L’inverse étant valable aussi. C’est au plus tout ce que l’on peut se dire. Qu’à chaque minute il y a possibilité de changer peut-être son destin, certains ont les armes pour le faire - au sens comme au figuré ici donc- d’autres pas, ne le pensent pas, n’y croient pas, font d’autre choix. Tout cela prend ici son importance parce que cette journée fatidique va se charger de changer tout ça. Toute une approche qui nous renvoie au fameux ‘ Différences et répétitions’ de Gilles Deleuze, du générique en ouverture du père bourré qui n’arrive pas à conduire sa bagnole aux jeux vidéos auxquels jouent les personnages : on rate, on échoue, on se relève et on recommence , avec un peu de pratique, cela devient un sport, sinon cela devient les choux-gras de tout un tas de différentes littératures.

Assez rapidement, au début du film, il y a un débat dans une salle de cours sur l’homosexualité, je me suis dit  ‘Gus je te reconnais bien là’ et quelle autre façon des plus élégantes que d’aborder un sujet qui tient à cœur au réalisateur qu’à travers l’échange des idées puisque nous sommes dans une école. Le sujet  à ma grande surprise, ne restera pas seulement que effleuré. On nous montre également des nazis dans ce film. C’est même devenu un problême du mainstream, quelques fois les ‘méchants’ sont plus intéressants que les héros, on nous les montre toujours parce qu’ils ont toujours un certain sens de la finalité. Ce qui nous amène directement sur les personnages des tueurs. Autre travers que le réalisateur a évité, ce ne sont absolument pas des caricatures red-necks qui pètent les plombs para-militairement, et jusqu’à la fin, le réalisateur ne lève pas le doute sur les véritables motivations de ceux-ci, je ne vous dit pas tout sinon il vous restera plus rien à voir, qui vont un peu au-delà des apparences et qui font de ‘Elephant’ en plus d’un bel objet de cinéma un bon vieux véritable brulôt.

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