Arrêt sur image
Apprenant que Nicolas Cage était à Venise pour la promotion de 'Bad Lieutenant' de Werner Herzog ( quoi ? ) n'écoutant que je me ruais sur le Net au cas ou il y aurait un trailer, histoire de commencer encore mieux la journée. Et ô cataracte enjouée, c'est du HD !
Je me rappelle encore des conversations enflammées, atablé avec des professionnels de la profession : ' Dis-nous Sigismund ( c'est moi ), toi qui sais tout, dis-nous pourquoi 'Public Enemies' de Michael Mann a été tourné en HD ? Y- a rien qui le justifie alors pourquoi ?' -' Oui pourquoi ?' rajoute encore un autre professionnel, ce à quoi je répondis -' En vérité je vous le dis ( ça c'est pour la forme ) pour rien les gars, pour rien... Michael Mann il est comme David Lynch, il kiffe le HD et il en met partout, il trouve ça beau et il veut que nous aussi '. Est-ce qu'il y a vraiment besoin d'une justification d'ailleurs si ce n'est que pour Michael Mann , cette approche bouscule littéralement les conventions du genre ( le film policier pour lui ) et lui permettrait presque de ré-écrire l'histoire de celui-ci à lui tout seul. C'est plutôt couillu, non ? - sans que ce soit forcément un argument, c'est vrai le HD y a que lui et Lynch et Greenaway qui aiment apparemment. Et Werner Herzog ( - Lars Von Trier, peut-être ? Ne me dites pas que j'ai oublié Lars Von Trier ? )
Le problême avec le HD me dit-on professionnellement, c'est que c'est trop froid, que c'est moins chaleureux que la pellicule. Qu'est-ce que vous croyez il y a beaucoup de gens qui pensent à leur confort, même dans la profession. Effectivement sur pellicule, malgré des éléments de profondeur de champ, de légère distance et pour peu qu'il y aie un éclairage sympa, tout de suite on est nimbé. On peut fumer sa clope en ayant l'air concentré, ça pourra toujours avoir l'air de dire quelque chose. En HD qu'on le veuille ou non, il y aura toujours ( à moins que quelqu'un ne se penche vraiment sur la question, comme l'ange Raphael dans la chanson de Carla Bruni ) un côté vidéo-amateur, un côté pris-sur-le -vif qui fait qu' il vaut effectivement mieux avoir un contenu parce que certains artifices passent tout de suite un peu moins. Avec le HD c'est le côté immersif, ainsi qu'une certaine esthétisation et aussi un certain rapport d'identification qui disparaît. Le HD donne à réfléchir, c'est ça qui fait pas plaisir apparemment, et puis 'c'est laid' -comme les films de Tarkovsky sont 'beaucoup, beaucoup trop longs' - ce qui encore une fois en dit long sur la profession. Moi, l'un et l'autre, je trouve ça beau. Pas beau comme comme la façon dont Milley Cyrus tient sa chuppa-chup à la fraise devant un coucher de soleil au Tiers-Monde, mais plutôt beau comme le final de ' L'Union sacrée' .
Et cataracte réjouie, parce que le film de Herzog semble être une véritable hallucination. Je dis bien 'semble' car pour le moment je ne me base que sur la bande-annonce, que je trouve pour le moment carrément jouissive, particulièrement la dernière séquence... Attention je suis un fan absolu du film d'Abel Ferrara. Non pas que l'univers me soit famillier mais parce que son travail m'aura laissé bien assis. Je ne vais pas essayer de quantifier la sueur et le sang, ça je ne le pourrais pas, simplement l'approche justifie à elle seule le statut que l'on connaît du film. Ferrara a choisi de partir du fond du fond du creux de la vague, et décide à partir de là d'essayer de se relever, on comprend pourquoi 'Bad lieutenant' était un film comme on en avait jamais vu avant.
Depuis que je l'ai aperçu en slip et en marcel, blindé au schnaps ( ou faisant comme si ) dans 'Julian donkey-boy' de Harmony Korin, j' en ai déduit que Herzog était un gros déconneur et il soulève soulève ici plus qu'intelligemment la question du remake et les débats éventuels des puristes. Grâce au HD on est pas dans les bas-fonds, ni dans le glauque, on est dans l'ultra-clean : costards tirés à quatre épingles, et les échymoses sur la face d'Eva Mendès, aussi. L 'action devient un peu plus proche de nous, et aussi un peu plus réelle. De fait, il semble que la démarche entre les deux auteurs divergent un tant soit peu; d'ailleurs tiens Werner, puisque tu es là et c'est gentil à toi d'être venu, tu voudrais pas nous en dire un peu plus ? Tu réponds en anglais s'te-plaît, parce que j'aime bien c'est plus compliqué :
IQB : Werner, comment tu t'appelles ?
WERNER : Herzog.
IQB : Est-ce que ' Bad Lieutenant' est un projet de collaboration entre toi et Nicolas Cage ? ( 1)
WERNER : Yes, but its not a remake. It's like, for example, you wouldn't call a new James Bond movie a remake of the previous one — although the name of the bad lieutenant is a different one, and the story is completely different. It's very interesting because Nicolas Cage really wants to work with me, and just anticipating working with an actor of his caliber is just wonderful.
IQB : Werner, pourquoi ce projet ? Vous auriez pu travailler sur pratiquement n'importe quoi d'autre...
WERNER : There's an interesting screenplay; it's a very, very dark story. It's great because it seems to reflect a side of the collective psyche — sometimes there are just good times for film noir. They don't come out of nowhere. There was some sort of a mysterious context with the understanding of people in that particular time. And it's going to be in New Orleans, which is a fascinating place. Part of it was the decision of the producers for tax incentives — which is totally legitimate. However, I thought to myself: "We have seen a lot of New York in movies; we have not seen New Orleans in feature films." Or very few feature films. After Katrina it's a particularly interesting set-up. The neglect and politics after the hurricane struck are something quite amazing. It has to do with public morality.
IQB : Préçisément Werner, le réalisateur original, Abel Ferrara, s'est juré de contrer ce projet et -
WERNER : Wonderful, yes! Let him fight! He thinks I'm doing a remake.
IQB : Werner, as-tu déjà parlé de tout ça avec lui ?
WERNER : No. I have no idea who Abel Ferrara is. But let him fight the windmills, like Don Quixote.
IQB : Ha...mesdames, mesdemoiselles et messieurs, notre ami Gilles Deleuze vient de nous rejoindre sur le plateau. Gilles, s'cuse-moi je t'ai coupé, tu voulais dire un truc ?
GILLES DELEUZE :
IQB : Merci à toi Gilles. Werner, tu sais ce que Abel Ferrara a dit ? Il a dit qu'il souhaitait que les personnes affiliées à ce projet aillent tous mourrir en enfer tu sais...
WERNER : That's beautiful!
IQB : Est-ce que tu...comprends un peu cette réaction , ou pas du tout ?
WERNER : No, because it's like theater thunder. It's like being backstage in the 19th century, with the machines that make thunder. It has nothing do with with his film. But let him rave and rant; it's good music in the background.
IQB : Parce que tu as déjà fait un remake une fois, avec ' Nosferatu' -
WERNER : It was not so much a remake as an homage to Murnau. But I don't feel like doing an homage to Abel Ferrara because I don't know what he did — I've never seen a film by him. I have no idea who he is. Is he Italian? Is he French? Who is he?
IQB : Werner, nân sérieux...
WERNER : Maybe I could invite him to act in a movie! Except I don't know what he looks like.
IQB : Bien, merci Werner d'avoir répondu à nos questions, et merci à vous pour avoir suivi notre émission, on revient tout de suite après la pub.
(1) Propos recueillis d'après ' Defamer Gawker's column from Hollywood'