Les limites de l'interprétation, 'Inception' de Christopher Nolan
Dom Cobb est un voleur expérimenté – le
meilleur qui soit dans l’art périlleux de l’extraction : sa spécialité
consiste à s’approprier les secrets les plus précieux d’un individu,
enfouis au plus profond de son subconscient, pendant qu’il rêve et que
son esprit est particulièrement vulnérable. Très recherché pour ses
talents dans l’univers trouble de l’espionnage industriel, Cobb est
aussi devenu un fugitif traqué dans le monde entier qui a perdu tout ce
qui lui est cher. Mais une ultime mission pourrait lui permettre de
retrouver sa vie d’avant – à condition qu’il puisse accomplir
l’impossible : l’inception. Au lieu de subtiliser un rêve, Cobb et son
équipe doivent faire l’inverse : implanter une idée dans l’esprit d’un
individu. S’ils y parviennent, il pourrait s’agir du crime parfait. (synopsis : Allociné.com )
Christopher Nolan a bien failli ne jamais atteindre la reconaissance quasi-unanime qui est la sienne s'il ne s'était définitivement imposé aux yeux du grand public en sauvant littéralement la franchise Batman - ce pourquoi les passionnés du genre n'auront de cesses de le remercier - et qui lui permettra d'imposer définitivement 'son' cinéma avec des projets tous personnels tels que 'Le Prestige' et 'Inception' aujourd'hui. Non pas que le réalisateur n'aie pas d'idées puisque son deuxième long-métrage, 'Memento', racontait -à l'envers- l'histoire d'un type privé de mémoire long-terme ( j'adore juste le rappeller ) qui valut à son auteur l'etiquette de 'réalisateur à scénario', ce qui par les temps qui courent et qui couraient, n'est tout de même pas une vaine formule. Malgré le fait que des films comme 'Insomnia' et 'Le Prestige' ne convaincent pas vraiment le public, la preuve du très fort univers personnel de l'auteur n'est plus à faire, et la saga de Batman vient confirmer le sentiment prépondérant qui vient à l'esprit quand on pense au cinéma de Nolan, plus encore que sa réputation de maître-raconteur d' histoires, une véritable référence en terme d'intègrité artistique.
C'est à nouveau le sentiment qui prédomine pour moi au sortir de 'Inception' aujourd'hui, même si le fim apparaît tout au long de son déroulement ultra-référencé, la promo nous a déjà balancé du James Bond et du Matrix à la figure sur les affiches pour être sûr de rentabiliser, et même si c'est pas faux on pense aussi tout heureusement à d'autres références du genre telles que le 'Dark City' d'Alex Proyas, le 'ExistenZ' de David Cronenberg, Philip K.Dick ( et spécialement son tout premier roman ' L'oeil dans le ciel ' qui annoncera nombre de ses futures oeuvres comme notamment 'Ubik' ) lui s'impose de lui-même et on se surprend même à penser à la série des 'Ocean' numérotés de Steven Soderbergh, mais si Nolan se ré-approprie bon nombre d'éléments par-ci par-là, au moins le fait-il avec tact et élégance ( et non pas comme un pillard ce qui n'est généralement pas le cas d'un cinéma bourrin et 'ouvertement passionné', ' ouvertement référencé' d'un pays que je ne citerais pas, qui a du mal à trouver des contextes pour justifier leur soit-disant plaisir coupable de geek, censé nous plaire, à nous aussi ) et c'est intégré au service de la narration avec parcimonie, ce qui fait que c'est absolument pas gênant : au final 'Inception' apparaîtrait même comme une sorte de synthèse ( je parle surtout pour les références cinématographiques ) de tous ses univers , de toute ces thématiques sur la virtualité qui nous sont désormais familliers pour dresser finalement une sorte de constat, ' ça nous a emmené ou tout ça ?'.
Et ce qui ne gêne toujours pas c'est que le propos est admirablement emmené par une mise en scène brillante ( renforcée par une interprétation au diapason de la part de tous les comédiens ) d'où transparaît une véritable ' éthique du spectaculaire', à savoir pas plus que le bord ( les premières images visibles sur le Net, les scènes d'action en apesanteur dont on craignait un usage intempestif ) alors que son scénario permettait bien plus d'excentricités. Pour ma part je trouve que Nolan a tendance à se répéter quelque peu dans l'emploi d'un montage alterné toujours 'un peu serré' au dernier tiers, qu'il conduit admirablement mais qui va finir par ne plus surprendre personne, mais il s'agît encore une fois de la conclusion 'logique' d'un scénario ambitieux et exigeant pour qui le regarde, ou s'entremêlent en effet plusieurs trames narratives. Tour de force magistral, où grâce à Nolan, le cinéma redevient enfin à nouveau cet espace de rêve où tout est possible. Mais à quel prix ?
Plus encore que la maîtrise formelle à tous les niveaux qui éblouit, c'est quand l'objet, le pourquoi de tout ceci nous apparaît. La dévotion que porte Nolan à son scénario le hisserait carrément à la stature de quelqu'un comme Hitchcock, si ce n'était que pour le Sir maître les comédiens étaient le grain de sable qui allait venir saloper la mécanique narrative imparable sur le papier de son 'bébé', ce qui est loin d'être le cas pour Nolan qui certainement instrumentalise beaucoup son casting, mais justement dans une optique qui ne refuse justement pas l'humain, qui se tourne au contraire bien vers lui, droit dans les yeux j'ai dit les yeux; plus que n'importe où ailleurs c'est dans 'Inception' que la fiction reste définitivement en-dessous de la réalité, parce que à la toute fin du film on la cherche encore et que l'on frémit sur ce que l'on en entrevoit, malgré tout ce à quoi nous avons assisté précedemment en terme d'invraisemblance. Christopher Nolan n'a absolument pas peur du grain de sable, de l'humain et il lui ménage un socle à sa mesure, comme s'il nous disait qu'au fond la ' vérité n'existe pas', surtout pour les menteurs.