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images qui bougent
7 novembre 2008

Un autre homme

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C'est le troisième long-métrage du réalisateur suisse Lionel Baier, après 'Garçon stupide' et 'Comme des voleurs ( à l'est ) ' auquel j'ai pu assister en avant-première, et j'espère que ce film s'exportera au-delà de son pays. 'Un autre homme' raconte l'histoire d'un jeune homme dont la jeune épouse à été mutée dans la vallée de Joux, ce qui l'oblige à chercher un boulot dans la région. Originalement diplômé en français médiéval, il répond à une annonce pour travailler en tant que journaliste pour la gazette locale, et dans le cadre de cette nouvelle fonction, lui revient la tâche de chroniquer les films programmés par le cinéma du coin; le critique attitré, figure locale légendaire qui plus est, étant décédé il y a peu. Pré-occuppé de plus en plus par ce nouveau fardeau pour lequel il estime n'avoir aucune compétence, il finit par reprendre les articles d'une obscure revue pour sa propre chronique.

Le film brasse de fait un eventail assez vaste de thématiques : l'opportunisme et l'honnêteté intellectuelle ( quand on cherche un producteur, je vous assure que ça peut vous faire rêver ) à l'ère de la crise de l'éducation, en exposant parallèlement un regard intègre et tout respectueux sur les sources de l'art. En effet ce jeune homme devient proprement obnubilé par ce monde nouveau qui s'ouvre à lui, qu'il cherche à comprendre davantage et cette passion se crystallise avec sa rencontre avec une autre critique ( incarnée par la sublime-je m'arrête- Natacha Koutchoumov, actrice fétiche du réalisateur ) renommée, et femme terriblement actuelle qui à elle seule va totaliser la somme de ces idéaux nouveaux ( en comparaison de sa vie de couple déjà trop fade à son goût ): l'acuité intellectuelle alliée à la grâce; et avec qui il va entamer une relation déterminante, d'abord sous des auspices d'une muse inspiratrice, avant de tourner à un échange plus trouble entre dominant et dominé.

Le récit s'avère très très structuré, et les plans toujours très bien composés, et ce malgré des conditions de tournage en sauve-qui-peut; avec malgré tout un léger grincement de dents en ce qui concerne la mise en scène presque trop indicielle, mais on ne va pas à reprocher à un auteur d'être signifiant à chaque plan ( la propension au mensonge du héros, ou sa façon de repousser -voire de faire payer à - son entourage, toujours dans une optique de sauver la face; en fait rien mais alors rien n'est gratuit une seule seconde, il y a toujours toujours quelque chose à voir ) et c'est un grincement de dents tout relatif, car cela nous permet d'avoir le temps d'en saisir les enjeux. Natacha Koutchounov,alors sublime pourquoi, parce que c'est la seule qui détonne véritablement par un jeu mettant justement en avant le naturel et le concret de la situation, en contraste avec les autres interprètes aux jeux peut-être un poil trop marqué ( mention spéciale toutefois pour Olivia Csiky Trnka, elle aussi...BON BREF ). Mais ne vous y trompez pas, car l'âme n'est pas loin.

Tourné en noir et blanc, le film cite volontiers Truffaut et les films de la Nouvelle-Vague, le héros pose parfois pour sa propre légende renvoyant à certains archétypes de cette époque, bien que de l'aveu du réalisateur, ce parti-pris esthétique est issu d'une volonté de 'déréaliser' plutôt le récit. Mais pour aller plus loin, c'est l'art même de la citation de Truffaut qui est aussi cité, aussi bien en ce qui concerne une référence particulière à un ouvrage, que dans le regard qui est posé sur les choses -sur les sources de l'art, dont je parlais tout à l'heure - au fur et à mesure que le personnage vit davantage sa propre histoire et sa passion nouvelle, son regard ainsi que sa perception du monde change,une sensibilité neuve qu'il n'interprète pas toujours à temps, des visions fugaces d' un couple qui s'embrasse dans la rue ( ou encore les répétitions des deux danseurs à laquelle le personnage assiste en compagnie de son amante, dans une volonté implicite de la part de celle-ci à l'aider à trouver sa propre voix; si le film est autant structuré c'est aussi parce qu'il laisse vraiment la part belle au non-dit ), montrant à la fois le ressort naturel de la fiction, par sa qualité de sujet potentiel d'abord , aussi bien que la concrétisation implicite d'un idéal recherché pour le personnage. Montrant les divers aspects de l'art aux parenthèses de la vie, le réalisateur n'en néglige pas pour autant celle-ci, c'est pourquoi les versants érotiques de la relation entre les deux personnages sont abordés avec la même franchise, s'il y a un peu de nudité c'est sans complaisance: on voit une bite, des couilles, on apercoit une chatte, parce que effectivement à ce moment du récit c'est de ça dont il est question. Sur fond de tricherie et d'usurpation, le réalisateur ose avec précaution nous rappeler qu'il s'agit juste peut-être d'apprendre à rester sensible ,pour reprendre une expression d'un autre artiste suisse, le chorégraphe Philippe Saire.

J'ai pu parler dans mon post sur 'Bad lieutenant' sur l'emploi du contre-exemple, Baier emprunte une voie à peu près similaire; en décrivant l'itinéraire du parfait enculé de base ( j'exagère, on pourrait parler de naiveté inconsciente ) qui, parti d'une petite imposture en termine avec une sorte d'opportunisme au jour le jour, son anti-héros finit par développer des qualités exemplaires : dans le fait de s'intéresser toujours plus tout d'abord, par sa détermination à comprendre de quoi est fait ce nouvel univers mystérieux des rêves, et ensuite de trouver son identité aidé par une vision nouvelle des choses, ainsi que de la façon dont on les acquiert. miniature_128_1

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Commentaires
S
pas vu...ni son suivant 'Comme des voleurs ( à l'est ) ' qui est en fait le premier volet sur un quatuor aux quatre points cardinaux.<br /> 'Un autre homme' est tout à fait excellent et son auteur sans conteste un futur grand, il y a des idées à chaques plans, le tout est superbement agencé, il n'y a rien de laissé au hasard et ça fait plaisir à voir...c'est un des jeunes cinéastes les plus reconnus en Suisse et il galère pourtant à chaques projets, c'est simple , pour celui là il a carrément lâché que ceux à qui ils avait demandé des subsides ne comprennaient rien à ce qu'il voulait faire, du coup ça s'est fait tout au systême D.
P
Ouais, je viens de voir "Garçon stupide" (toujours les séances "Trash").<br /> C'est vrai que ça troue le cul (sans mauvais jeu de mots!)
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