Happy happy living

Réalisé en 1966 par le photographe William Klein, le film emprunte allègrement à Fellini et à Godard en terme d'éclatement narratif et se propose comme un patchwork assez fantaisiste, très très beau plastiquement, ultra-composé, sur le thême de l'amour avec pourtant Jean Rochefort et Philippe Noiret, avec tout mon respect. Un vrai régal pour les yeux et l'esprit, un véritable baume au coeur, j'avais envie d'embrasser tout le monde dans la rue en sortant. Ce que j'ai fait. Mais il me faut l'avouer, malgré 'Watchmen' et 'The wrestler' qui auront étés de grands moments, j'aurais plutôt tendance à trouver davantage mon compte en terme de sensations esthétiques du côté de la bande-dessinée. La sortie par exemple d'un nouvel album de Jean Claude Gotting ( bon ça date un peu en fait, j'ai pas dit que c'était le catalogue des nouveautés non plus ) mérite à elle seule d' organiser une ou deux orgies. Gotting reste une référence en terme d'auteur indépendant, aux côtés d'Edmond Baudoin et de Miles Hyman dans les années 80 durant les heures de gloire des éditions Futuropolis. Jean Claude Gotting aura par la suite été hai par toute une génération, dont je fais partie, qui ont fantasmés très tôt sur Karen Cheryl et que le monsieur épousera. Avec 'Happy living', Gotting revient avec un style graphique plus nerveux qu'à l'accoutumée, pour nous plonger dans les coulisses du milieu du jazz des années 50 avec l'enquête d'un journaliste français sur les plus grands standarts musicaux jamais écrits ( 'Besame mucho', 'My way', 'Happy living',...) et qui va le conduire un peu plus loin que ça. Je continue avec deux autres ouvrages qui m'auront définitivement fait forte impression, 'Les complots nocturnes' par David B. qui s'annonce comme une série de rêves - sur une période donnée - mis en images. Tout simplement j'avais envie de dire, mais je me retiens de faire des choses pareilles, on percoit malgré tout une unité thématique derrière cette suite de récits très disparates, très stimulants en terme d'univers décalé ( - rien de mieux que le rêve en effet - on a l'impression de se retrouver en plein milieu de 'Si par une nuit d'hiver, un voyageur...' d'Italo Calvino, qui lui, devrait être adapté par William Klein.); et le très très beau et très onirique lui aussi 'Sous les feuilles' de Gabriella Giandelli aux éditions du Seuil. Mais ce n'est pas tout. Il y a Florent Ruppert et Jérôme Mulot. Florent Ruppert et Jérôme Mulot ( je vous conseille d'aller directement voir à www.succursale.org pour vous faire vraiment une idée ) sont énervants. Enervants parce qu'ils ont vraiment tout compris et parce que ça leur réussit fichtre bien. Nantis d'un style graphique minimaliste proche de l'esquisse, ou alors du minimum syndical indiciel,et qui leur garantit une osmose en toute impunité en terme de réalisation à quatre mains, les deux compères rivalisent donc d'inventivité et de sales coups dans les burnes en ce qui concerne la mise en page pour nous offrir une série de récits déjantés, comme tout autant de véritables long-métrages presque, à l'état de prototypes peut-être mais qui en même temps n'ont pas besoin de plus. Voilà comme qui dirais, une grande leçon déjà pour commencer. Aussi c'est vraiment sans modération que je vous recommande tout ce que vous pourrez trouver provenant de ces deux-là, qui sont certainement les futurs sauveurs de l'Art Contemporain. Pour ma part je me suis déjà risqué à 'Safari monseigneur', 'Panier de singes' et au tout récent ' Le tricheur', tous très brillants. Après c'est une question d'affinité avec l'humour.