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images qui bougent
27 juillet 2009

Schizophrènie mode d'emploi

affiche_w434_h_q80 Claude ( Sylvie Testud ), une jeune fille sans histoires se retrouve au tribunal pour une série de meurtres assez violents qu’elle n’a pas commis. En effet, depuis l’âge de sept ans, elle souffre de démultaplication de la personnalité et aurait agi sous l’influence d’un de ses différents alter-égo, c’est en tout cas ce qu’est forcé d’admettre le jeune docteur Brennac ( Lambert Wilson ), qui s’occupe du cas de la jeune fille sur la demande de son confrère et ancien mentor Karl Freud ( Michel Duchaussoy ), qui lui, ne sait plus quoi faire pour éviter la prison à vie à la jeune fille. Les deux médecins arrivent progressivement à dénombrer et isoler certains personnages-clés de la psyché fragmentée de Claude, il y a le petit Thésée, âgé de sept ans environ, Ariane l’aventurière, Dédale, le chef, parce que quelqu’un devait bien s’occuper de Claude après la dissolution de sa personnalité, et aussi Minotaure, celui qui ne doit jamais sortir… dedales_2002_reference Tout d’abord pour un film qui s’appelle ‘Dédales’, laissez-moi vous dire que l’on peut s’asseoir sur la spatialisation. J’entends par là que le film ne se concentre malheureusement pas sur la mise en scène mais davantage sur les différentes articulations de son scénario boulonné au millimètre, tellement que si on n’expose pas un peu tout de façon linéaire, tout se pète la gueule. Car en effet, il y a beaucoup d’éléments. D’abord une première trame narrative au présent, très dense, sur le traitement psychiatrique de Claude et axé sur les manifestations successives de ses différentes personnalités, ainsi qu’une seconde, six jours avant son arrestation, du point de vue d’un flic, genre médium tourmenté, interprété par Frédéric Diefenthal ( on notera également la présence de Tomer Sisley en collègue sympa ) . L’une étant censée éclairée l’autre, oui mais pourquoi ? Y-aurait-il quelque chose que l’on ne nous aurait pas dit ? Peut-être ( tatatatin ) mais c’est le scénario qui nous le dira, et rien que le scénario. Du point de vue de l’image, on a une photo très indicielle, parfois quand même très belle, et parfois aussi même un peu osée, genre surexposée et cracra, mais c’est uniquement parce qu’il y a également une caméra dans un des rôles principaux, la photographie se cantonne aux scènes de genre, s’en sort très bien malgré tout, mais cela, oui cela, surtout pour laisser la parole au scccééénario, qui lui nous dira tout, tout, tout sur la schizo. Car en effet, et là je m’insurge, elle a bon dos Sylvie Testud. Sous prétexte qu’elle est une actrice tous-terrains, on ne se prive pas de lui en faire dire des conneries. De quoi plomber une carrière, c’est littéralement du sabotage. 3831__dedales On nous dit, ‘alors Claude, depuis toute petite, elle a des fuites de temps, elle se réveille dans des endroits, dont elle ne sait pas comment elle s’y est rendue’, la faute aux alter-égos. La mise en scène préfère une approche frontale, afin d’exclure l’hypothèse que Sylvie, elle, euh, simule, en lui laissant le soin de switcher sous nos yeux, et de se dépêtrer comme ça, avec un trauma bourrés de noms grecs par-dessus le marché. Ainsi le spectateur que nous sommes ( mais toi aussi, ami lecteur.. et toi aussi, ami violeur de petites filles… ) se retrouve plutôt contraint d’admettre ce curieux mécanisme plutôt qu’autre chose, sans l’avoir réellement vu en action. Bien que le fait de se reposer pour se faire sur les comédiens -pour justifier le casting peut-être d’une part- est une des forces et une des surprises du film, c’est quand-même encore le scénario qui distille méchamment les quarts d’heure de gloire : chaque personnage a un rôle à jouer et il faut être suffisamment patient pour le comprendre, comme nous y invite une très belle phrase de Julio Cortazar avant le générique. Et en plus il n’y a pas un pathos, mais deux. Je sais pas, paraît que c’est meilleur, et puis comme ça c’est aussi plus compliqué. Non pas que celui-ci soit greffé de façon incohérente, il viendrait même renflouer le propos, mais péniblement. Outre la thématique nébuleuse sur le pourquoi du rapport au mythe grec dans son lien avec la schizophrénie, se rajoute une réflexion sur le libre-arbitre et la fatalité. Claude, ou plutôt Minotaure, dans ses pulsions meurtrières oblige ses victimes à jouer leurs vies aux dés. Si elles gagnent, elle les épargne. Les dés sont d'ailleurs le seul élément commun à toutes les personnalités de Claude, il y a ici le fond du problême. A ce stade, sans les références, on pourrait peut-être dire bravo, bien pensé, ceci cela. Diceman Si vous permettez, il n’y a pas que le personnage qui soit schizophrénique, le film aussi. Dans l’errance meurtrière de l’héroïne, on lorgne gentiment du côté du cultissime roman un chouia cyber-punk de Maurice Dantec, ‘ Les racines du mal’, puis dans le motus operandi on est carrément dans le plagiat du roman ( ou la citation sympa, c’est selon, disons tout de même que le matériau original attend son adaptation depuis des plombes ) de Luke Rhinehart, ‘ L’homme-dé’ mais oui mais oui , publié dans les années 70 aux States, le roman fût interdit partout dans le monde pendant 30 ans, puis l’embargo a été levé on ne sait d’ailleurs pas très bien pourquoi au début des années 2000. On le trouve en français aux éditions de l’Olivier, le livre raconte l’histoire d’un psychanalyste qui un peu n’importe comment, par dépit, commence à jouer sa vie aux dés. L’élément déclencheur fût tout d’abord son envie de baiser sa voisine de pallier, ce qu’il fera, mais rapidement il se met à rédiger des listes, avec toutes les choses qu’il aurait aimé faire ( ce que fera également Claude à un certain moment ) ou bien a toujours voulu faire, ou bien qu’il se propose de faire uniquement par défi, genre trafiquants d’armes. La thématique se voit déclinée jusqu'à prendre des proportions assez énormes : avec sa philosophie du dé, Rhinehart ne se serait-il pas le nouveau messie ? En tout cas, si vous ne connaissez pas, un livre à découvrir. A part ça pour ce qui nous intéresse, les plus cultivés d’entre vous penseront immanquablement aussi à des classiques tels que ‘ D’un coup de dé jamais n’abolira le hasard’ de Stéphane Mallarmé, ou au fameux ‘ Pour en finir avec le jugement de Dieu’ d’Antonin Artaud, et vous aurez raison car c’est bien de cela qu’il s’agit. Après je ne vous en dirais pas plus sur 'Dédales'. Quand vous aurez fini de le voir, peut-être que vous m'en voudrez beaucoup et que vous aurez envie de me lyncher. Il y a beaucoup de choses qui m'ont plûtes, le syndrome du Minotaure, je trouve que c'est un postulat encore intéressant, des acteurs que j'aime encore bien, mais il y a aussi des choses que j'ai vues arriver, et peut-être que ce sera votre cas aussi. Vous serez peut-être très très déçus ou alors complètement enchantés ( jusqu'ici tout va bien ), pour ma part j'hésite encore à me faire une opinion. Si les dangers du cinéma immersif restent encore à débattre, c'est cependant ce qui m’aurait semblé ici plus que nécessaire ,‘ Dédales’ étant tout de même censé être un thriller psychologique. L’immersion, en utilisant davantage la narration subjective, les switchs schizophréniques autrement, sous l'angle de ces fameuses 'fuites de temps' ( ainsi que le lot de situations nouvelles qu'elles peuvent générer ), bref sa thématique de façon plus narrative qu’indicielle, on se sentirait un peu plus concernés. La question ici de la structure globale ne vaut même pas la peine d’être évoquée, et c’est ce qui fait que beaucoup de films français restent invariablement moyens, cherchant l’originalité juste pour se démarquer au départ, sans l'assumer vraiment, utilisé davantage comme prétexte à faire de la citation, ce qui me fait militer de façon si véhémente pour le cinéma indépendant, qui n’hésite pas à faire co-exister ouvertement forme et fond, sans pour autant sortir du créneau ‘tout-public’ ni même détériorer ou alterer le ressort choisi par le réalisateur. Car si j'ai pu entrevoir le dénouement, je ne savais pas comment on allait y arriver. Sur ce point le film aura véritablement eu le mérite de me surprendre, et j'en ressors avec un peu plus de contenu à méditer que simplement la satisfaction eventuelle d'avoir démêlé le sac de noeuds d'un petit malin, ce dont du dehors, le film pourrait avoir l'air. dedales_001
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